Les Journées Nationales des Jeunes permettent aux jeunes, aux enseignants et aux entrepreneurs de se rencontrer sur le terrain, à la découverte de métiers trop souvent méconnus ; ensemble, il s’agit de préparer leur avenir en confiance et en conscience. A l’origine de ce projet né il y a maintenant 8 ans, Claudine Schellino dresse un bilan de ces rencontres:
Quelle est la genèse de ce beau projet ?
L’objectif était d’aider les jeunes à s’insérer dans le monde professionnel, sachant que l’un des freins repose sur la méconnaissance des métiers. Nous voulions donc montrer à quel point ces derniers sont riches et divers, afin qu’ils fassent les meilleurs choix en fonction de leurs aspirations. Trop souvent, ils se dirigent, par défaut, vers des voies méconnues et ne se reconnaissent pas dans ce qu’ils font. Je parle en connaissance de cause car j’ai été chef d’entreprise dans le domaine du tourisme d’affaires. A ce titre, j’ai formé beaucoup de stagiaires.
Par ailleurs, j’ai donné des cours à l’université et là aussi, j’ai pris conscience du décalage entre l’idée que les jeunes se faisaient du monde du travail et la réalité. Il m’a donc paru important de m’engager dans ce sens pour qu’ils démystifient ce monde professionnel et l’envisagent non pas comme quelque chose de contraignant mais comme un terrain de jeux où ils pourront s’épanouir, tester des pistes, et surtout se diriger vers des voies choisies et non subies.
Quels sont les commentaires les plus marquants que vous avez reçus sur cette initiative ?
J’en ai reçu beaucoup car les jeunes apprécient qu’on s’intéresse à eux. J’organise souvent des conférences dans le cadre desquelles je les valorise en leur donnant la parole. Il est primordial de les laisser s’exprimer sur leurs idées, leurs projets, points de vue, positions … et de leur accorder la plus grande écoute et considération. Ils sont toujours très sincères, voire un peu « cash », et ça me touche énormément.
Ils osent dire qu’ils aiment, qu’ils sont contents et remercient toujours pour l’attention qu’on leur porte. Plus nous ferons attention à cette jeunesse et lui accorderons la place qu’elle mérite, plus nous irons vers un monde meilleur. Ces jeunes inspirants, curieux, volontaires et engagés pour leur avenir nous surprennent toujours autant par leurs talents que par la qualité de leurs idées.
Plus de 280 000 jeunes ont rencontré plus de 29 000 professionnels. Depuis huit ans que cette initiative existe, qu’est ce qui a selon vous le plus évolué au cours des dernières années ?
L’Education Nationale est beaucoup plus tournée vers le monde de l’entreprise. Il y a encore peu de temps, les établissements scolaires ne souhaitaient pas faire venir des professionnels de l’entreprise dans les salles de classes. A présent, les visites d’entreprise sont obligatoires dans le cursus scolaire, via le Parcours Avenir. Aujourd’hui les enseignants sont beaucoup plus mobilisés et conscients de ce lien essentiel à tisser avec le monde de l’entreprise.
En revanche, je n’ai pas assez d’engouement de la part des entrepreneurs pour ouvrir leurs portes. C’est dommage car nous avons désormais beaucoup de demandes d’enseignants qui ne peuvent être satisfaites. Il faut que les entrepreneurs comprennent qu’ils ont un rôle majeur à jouer dans l’insertion professionnelle des jeunes. On parle de RSE mais l’éducation en fait partie et ils l’oublient souvent. Je tiens tout de même à saluer l’engagement de certaines autres entreprises qui participent à ce mouvement, souvent depuis le début de l’aventure, avec toujours autant d’enthousiasme et d’implication.
Est-ce qu’il y a assez de passerelles entre ces deux univers ?
Partout en France des initiatives portées par des acteurs privés, publics et associatifs accompagnent les jeunes dans leur avenir professionnel, de nombreuses entreprises forment et recrutent des jeunes …
Mais, les jeunes méconnaissent ces dispositifs et ces opportunités, trop souvent cloisonnés, restreints à un périmètre précis. L’insertion professionnelle des jeunes reste alors un problème majeur, en témoigne le taux de chômage chez les jeunes. Notre plateforme www.jndj.org œuvre précisément à donner un cadre simple et efficace à ces acteurs comme aux entrepreneurs qui souhaitent renforcer l’attractivité de leurs initiatives et de leurs métiers auprès des jeunes. Vous le savez, la méconnaissance des métiers génère cette pénurie de talents due à une mauvaise orientation. Mais on en a jamais assez !
Mon ambition est de faciliter l’accès de tous ceux qui s’engagent sur ces sujets et de casser les préjugés pour démultiplier, sur l’ensemble du territoire, des rencontres riches et inspirantes qui donnent aux jeunes du sens à leur orientation et des pistes vers des voies qui recrutent.
A quel type de préjugés faites-vous référence ?
J’ai vraiment foi en cette jeune génération ; il est primordial de dépasser les préjugés en créant un élan collectif au service de la jeunesse comme de sa place dans notre Société. Partout en France des jeunes innovent, créent, s’engagent, ont des idées formidables, prouvent qu’ils sont notre force vive et notre avenir … Mais, les français méconnaissent ces initiatives, par manque de lisibilité, de visibilité et de cohérence, se coupant ainsi d’une ressource essentielle.
En tant que membre de l’Observatoire Éducation et Médias du CSA, mon ambition est de faire changer ce regard dévalorisant porté sur les jeunes. Ils ont une vision du monde et du travail qui n’est pas toujours celle que les adultes leur proposent. C’est la génération “Why”, celle qui est déjà en train de dessiner l’entreprise de demain ; pourquoi je fais ça ? pourquoi travailler pour cette société, a-t-elle du sens pour moi ? …. Pour avancer, il faut s’adapter à eux, et non l’inverse. Je crois beaucoup aux relations intergénérationnelles, qui peuvent aider tout le monde à grandir, si elles sont équilibrées.
J’aimerais qu’ils soient davantage représentés dans les médias pour qu’ils participent de manière active aux évolutions qui transforment le monde d’aujourd’hui, via leurs talents, leurs projets, leurs réalisations. Il y a beaucoup de sujets sur les jeunes mais on leur donne rarement la parole et on parle trop souvent à leur place. La jeunesse fait partie de la charte de la diversité, mais ce quota ne monte pas beaucoup. La preuve, ils sont rarement invités sur les plateaux TV et dans les grands débats. Quel dommage !
Faites-vous le même type de constat à l’international ?
Au Canada, la relation entre le monde de l’éducation et celui de l’entreprise me semble plus décomplexée. La Suisse ou les pays scandinaves sont eux aussi beaucoup plus proches des entreprises.
A mon sens, pour avancer, en France, il faudrait avant tout changer le regard sur le monde de l’entreprise et que celui-ci fasse partie intégrante du système éducatif. Qui mieux qu’un professionnel, de tout secteur d’activité, pour transmettre aux jeunes sa passion, son savoir-faire, la richesse de son métier ? La base, c’est de partir de ce que l’on aime vraiment sans s’autocensurer. Chacun doit pouvoir s’épanouir à sa propre place.
Le thème de la dernière édition de la JNDJ, c’était précisément “Devenir soi”….
Oui, parce que c’est important de trouver sa place en confiance et en conscience. A mes yeux, le terme « conscience » est important, car il s’agit d’être en accord avec qui on est vraiment au fond de soi ; la joie étant le véritable curseur !
Quels sont vos projets futurs pour sensibiliser toujours plus sur ces sujets ?
Je rêve d’une plateforme nationale, une vitrine valorisant les initiatives inspirantes dans les territoires, destinée à favoriser les choix d’orientation des jeunes et à potentialiser leur accompagnement vers l’emploi. Un véritable outil de prospective dédié aux jeunes, aux parents comme aux enseignants pour les aider à construire leur propre avenir.
J’ai vraiment une foi profonde en ces jeunes, consciente qu’ils portent en eux le vrai potentiel de demain et de vraies valeurs qui ne demandent qu’à être exprimées et révélées.